Signal-Arnaques gagne un nouveau procès

Depuis ses débuts en 2014, Signal-Arnaques mène un combat sans merci contre les arnaqueurs et autres habitués des pratiques commerciales préjudiciables aux consommateurs. Il arrive parfois que certaines entreprises n’apprécient pas et assignent Signal-Arnaques en justice. En Juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a tranché en faveur de Signal-Arnaques dans le cadre d’un litige l’opposant au site internet Kiosknotice.com. On vous explique tout, sans tabou et surtout avec des éléments à l’appui…

C’est l’histoire d’un site qui vend des notices…

Imaginez un beau jour de d’été sans pluie, en France… Vos vacances approchent à grand pas et jusqu’ici, tout va bien. Vous vous apprêtez à récupérer le linge qui a été lavé par votre machine. En vous approchant : le drame. La machine refuse de s’ouvrir et un voyant bizarre clignote.

Vu qu’il ne ressemble à rien de ce que vous connaissez, vous n’avez pas la moindre idée de l’anomalie qui touche votre machine. Le COVID ? Peu probable… La notice semble être la solution idéale pour obtenir cette information, sauf que voilà, vous êtes dans la vie réelle et vous faites partie des 90 % de la population qui jette ou perd ce genre de document. Du coup, comme tout le monde, vous effectuez une recherche sur Google :

Comme d’habitude, Google vous donne la bonne réponse : il vous envoie vers un site qui propose la notice de votre appareil pour la modique somme de 1,99 €.

Deux euros pour obtenir une réponse si urgente ? Pourquoi pas… On y va. Vous sortez la carte bancaire et hop, vous obtenez votre notice (ou pas) en quelques minutes. Votre problème étant résolu, vous vaquer à vos occupations habituelles.

et aussi des abonnements…

Quelques jours après, alors que vous consultez vos comptes bancaires, vous découvrez avec stupeur qu’un prélèvement a été réalisé : 59 €. Sans grandes difficultés, vous établissez le lien entre votre premier paiement de 1,99 €.

Comme la majorité des internautes français, vous cherchez à comprendre voire à vous exprimer… Un peu comme de nombreuses personnes l’ont fait par le biais de Signal-Arnaques :

J’ai bien reçu la notice demandée et mon compte a été débité de 1,99€. Mais 4 jours après je m’aperçois avec stupéfaction que mon compte a été débité de 59€ au profit de kiosknotice situé à Sofia!!!

Ou encore :

Je viens de les avoir au tel en vérifiant mes comptes en ligne dans un premier temps ils m’ont débité 1€99 ,pas de problèmes et je vois plus haut un débit de 59€00 l’abonnement (tout les 2 mois) est plus cher que l’appareil que j’ai acheté

C’est ainsi que plusieurs d’internautes français expriment leurs expériences. On retrouve quasiment le même type de déconvenues : des internautes commandent des notices en ligne et se retrouvent abonnés à quelque chose. A quoi exactement ? A quel genre de service ? Aucune idée.

Les consommateurs prennent le pouvoir…

Plusieurs dizaines de commentaires fleurissent sur Signal-Arnaques. Les moteurs de recherche récupèrent les informations et les référencent. Les informations sont suffisamment qualitatives pour que Google estime qu’elles méritent d’être mises en avant, parfois plus que le site de vente de notice en tapant son propre nom…

Résultats de recherche de Google en tapant Kiosknotice

Les hostilités commencent !

La suite, vous la devinez peut-être… Kiosknotice ne voit pas d’un très bon oeil ces informations qui pullulent à son égard sur les moteurs de recherche. A juste titre : la majorité des internautes ont désormais l’habitude de rechercher des avis avant de faire affaire avec un site internet.

Du coup, les premiers coups de feu commencent ! La société TUTS qui édite le site internet Kiosknotice nous écrit pour demander la suppression des signalements et commentaires qu’elle estime, selon ses mots, dénigrants.

Au delà de cette affaire, nous recevons en effet régulièrement des courriers d’avocats que l’on peut généralement résumer au modèle suivant :

Bonjour […] c’est trop injuste […] dénigrement […] mon client est le plus honnête du monde […] il faut tout supprimer !!!

Evidemment, nous caricaturons un peu mais vous voyez à présent le principe.

Comme nous le faisons dans la majorité des cas, nous étudions avec attention la demande de suppression de contenu. Dans ce cas précis, nous décidons de ne pas donner suite à la demande de l’avocat ou du moins pas en totalité : la liberté d’expression semble avoir sa place dans les témoignages laissés par les internautes.

Premiers tirs de roquettes

C’est un beau jour de Mars 2021 que la nouvelle tombe. La société qui exploite le site Kiosknotice décide de nous assigner au tribunal… mais pas seulement nous. Elle décide même d’assigner Google par la même occasion ! 😮

Voici le document en question :

Assignation au tribunal de Kiosknotice contre Signal-Arnaques (Cliquez sur l’image pour la visualiser en entier)

Des échanges intéressants…

Suite à la réception de ce document, nous le transmettons à notre avocat comme à l’accoutumé (oui ce type d’événement est plutôt courant chez nous…). S’ensuit ce que l’on appelle des échanges de conclusions : les différentes parties présentent au juge les documents de leur défense par écrit et avant l’audience.

Ces documents contiennent les arguments des différentes parties et tout le travail de défense qu’elles ont préparé depuis l’assignation. Ps : je ne suis pas un spécialiste du droit, les professionnels m’excuseront des éventuelles erreurs de vocabulaires ou autres approximations ici… 😉

Qu’y a-t-il d’interessant ou ce nouveau à ce moment de l’affaire ? De notre point de vue, 2 choses essentielles :

  • La DGCCRF arrive à la rescousse
  • Et Google sort la grosse artillerie

La DGCCRF en soutien

Lorsque nous avons reçu l’assignation, nous avons écrit à la DGCCRF (répression des fraudes) en leur expliquant les pratiques détectées sur Signal-Arnaques concernant le fameux site de notice. En parallèle, nous leur faisons part de particularités que nous avions détecté concernant la société qui nous attaquait et plusieurs autres sites liés.

En gros, nous réalisons ici un signalement accompagné d’interrogations.

Très rapidement, une réponse personnalisée nous revient :

Réponse de la DGCCRF suite à notre signalement

Dans sa réponse, la DGCCRF (l’Etat donc…) confirme la suspicion de pratiques commerciales trompeuses. Bien que sa réponse soit conditionnée à la vision du tribunal, il s’agit d’un élément plutôt intéressant que nous soumettons donc au juge.

La puissance de feu de Google

Rarement Google n’avait été assigné en même temps que nous… Dans le cas de cette affaire, cela a été une formidable opportunité. Pourquoi ?

Tout simplement car ses moyens financiers sont sans commune mesure avec les nôtres et que cela leur permet de consacrer des moyens importants pour faire des investigations très poussées. Par ailleurs, ils disposent de très fortes expériences juridiques dans le domaine ce qui permet de sortir des subtilités juridiques ou des jurisprudences jusqu’alors inconnues pour nous ! Bref, ce procès nous aide à constituer nos armes pour les futurs procès (car oui, il y en aura d’autres).

La lecture des conclusions très détaillée de Google montre que ces derniers sont globalement en phase avec les nôtres : le contenu mis en ligne n’est pas manifestement illicite et la liberté d’expression est respectée.

Suite et fin : le couperet tombe

L’audience en référé au eu lieu et le juge a donné raison à Google ainsi qu’à notre société. La société TUTS (Kiosknotice) a été déboutée de ses demandes et condamnée à payer les frais d’article 700.

Voici l’ordonnance de jugement :

Ordonnance de référé (Cliquez sur l’image pour la visualiser en entier)

Le juge du tribunal de commerce a estimé qu’il n’y avait pas de dénigrement et que le contenu mis en ligne sur Signal-Arnaques n’était pas manifestement illicite. Notre société n’a donc pas failli à son obligation d’hébergeur de contenu.

Pour information, la société TUTS a effectivement réglé ce qu’elle devait. Nous précisons cela car, dans les faits, nombre de sociétés n’honorent pas les condamnations… Cela n’a pas été le cas ici.

Conclusions

Que peut-on retenir de cette affaire ? Plusieurs choses en fait :

  • La liberté d’expression est encore reconnue par les tribunaux
  • Google ainsi que Signal-Arnaques la favorisent largement.
  • Si vous êtes victime d’une arnaque ou d’une pratique commerciale trompeuse, n’hésitez pas à la signaler pour informer un maximum de monde.
  • Si vous souhaitez informer les autorités en parallèle d’un signalement collaboratif, remontez les informations à la DGCCRF via leur plateforme Signal-Conso : lorsque le nombre de remontées est important, cela peut engendrer des enquêtes voire des condamnations.

24 réponses

  1. Mith44 dit :

    Bonjour,
    Je découvre cette page seulement aujourd’hui et suis très content de cette ordonnance !
    Internet est plein de sites qui proposent des services ponctuels à un prix modique mais y ajoutent la proposition d’un abonnement que des clics trop rapides peuvent faire souscrire par mégarde.
    Le développement intense de cette pratique montre que les sites en question parient sur ces clics réflexes.
    Pour ces sociétés, l’invocation a posteriori de CGU qu’on aurait dû lire et qu’on n’a pas lues tenait lieu de formule magique en cas de contestation. Eh bien apparemment, la justice est en train de relativiser cet argument, reconnaissant une certaine forme de ruse dans ces pratiques légales.

    Je suis persuadé que le “terminal” utilisé joue énormément pour ces clics malencontreux !
    Sur l’écran d’un ordinateur on voit tout assez clairement et on n’est pas distrait par l’animation extérieure.
    Sur un téléphone mobile, même en 6 ou 7 pouces les pages web portent plus aux erreurs (lecture ou clics). Parcourir un site sur son mobile dans la rue, en marchant, dans un véhicule, sur une terrasse au soleil, etc, et passer des commandes sur internet est sûrement entré dans l’usage !
    On devrait se limiter aux e-mails et aux SMS.

    J’ai failli me faire avoir une seule fois seulement, alors que je devais scanner un QRcode avec mon mobile… l’appli que j’avais installée (une des plus téléchargées pour Android) m’a affiché un gros bouton CONTINUER, qui venait en fait d’une annonce… on pouvait se retrouver abonné à un service de vidéo en streaming avec paiement par l’intermédiaire du fournisseur de service, sans avoir à entrer son numéro de CB. Liquer OK revenait à accepter les CGU, et donc l’abonnement.
    Lire les CGU sur l’écran d’un mobile ;-(

  2. Adrien31 dit :

    Bonjour,

    Il est à noter que la DGCCRF, ne s’appelle plus comme tel.

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