Vols et escroqueries : 33% sont d’origine cybercriminelle !

Un tiers des vols et escroqueries a désormais lieu en ligne en France ! Vous ne trouverez pas ce chiffre ailleurs et pour cause : c’est le fruit d’une étude Signal Arnaques. Comment parvenons-nous à cette conclusion ? Qu’est ce que cela implique pour nous dans les années qui viennent ? C’est tout l’objet de cet article.

Quand on parle cybercriminalité dans les médias, c’est souvent pour évoquer hackers et pirates de haut vol… mais le gros de la cybercriminalité d’aujourd’hui est à présent constituée de délinquants tout à fait classiques. La principale raison en est simple : ils trouvent que voler par internet est bien plus efficace et moins risqué qu’un vol de voiture ou un cambriolage.

La tendance est d’ailleurs tellement lourde que dans quelques années le vol par internet aura dépassé le vol dans le monde réel. Mais comme nous l’avons entre-aperçu dans nos précédents articles, la réaction des autorités en France semble en deçà de l’ampleur du phénomène. Entre nouveauté de cette réalité et manque de décisions politiques, il y a malheureusement de très bonnes raisons à cela.

Les chiffres de la délinquance du Ministère de l’Intérieur : une bonne blague

Si il est difficile de mesurer la place de la délinquance en ligne en France, c’est d’abord parce que nous n’avons pas d’outils statistiques fiables pour en avoir une idée claire. Un chiffre assez largement médiatisé est celui donné par le ministère de l’intérieur sur les faits délictueux enregistrés par la police et la gendarmerie. Problème : ce chiffre ne vaut pas grand-chose.

Prenons le cas d’une escroquerie ayant eu lieu sur Internet. Pour que cette escroquerie soit enregistrée dans les statistiques, il faut que :
– la victime ne soit aperçue qu’elle avait été piégée
– qu’elle décide de porter plainte
– que les autorités acceptent de prendre sa plainte

On sait par exemple au sujet des escroqueries bancaires, seules 40 % des personnes qui se sont rendues compte d’un prélèvement frauduleux décident de porter plainte… et que parmi celles-ci, 30 % ne voient finalement pas leur plainte enregistrée !

C’est là une pratique policière répandue et parfaitement illégale (ils ne peuvent vous refuser d’enregistrer une plainte) : bien des policiers et des gendarmes mettent en œuvre toute une série de stratagèmes pour ne pas enregistrer une plainte. On vous dit par exemple qu’il n’y a pas matière à déposer plainte, que ça ne sert à rien, ou on vous fait enregistrer une simple main courante. La raison de ce refus ? Optimiser quelques chiffres : celui du nombre de plaintes enregistrées, ou encore celui du taux d’élucidation, sorte d’indicateur de performance de l’action policière. Mais ne jetons pas la pierre aux policiers : de l’aveu de nombre d’entre eux, cette politique de refus de prendre les plaintes émane souvent directement des supérieurs ou des procureurs dont ils dépendent.

Certains chiffres ont beau être complètement absurdes (des taux d’élucidation supérieurs à 100 % pour certaines catégories de délits sans plainte, comme la consommation de stupéfiants), les rouages de ce système ont beau maintenant être connus depuis près de 10 ans (cf. « Police : des chiffres et des doutes » de JH Matelly et C. Mouhanna), le bricolage statistique continue. C’est cependant loin d’être un phénomène spécifique à la France… les anglais considèrent ainsi à présent que les chiffres donnés par la Police ne sont pas des statistiques officielles et mettent en avant pour la mesure de la délinquance une méthode bien plus neutre : les enquêtes de victimation.

Les enquêtes de victimation et la réalité de la délinquance

Une enquête de victimation consiste à faire une sorte de sondage : on interroge un échantillon représentatif de la population et on demande à chaque personne si elle a été victime de tel ou tel fait. Ce n’est évidemment pas parfait : des victimes pourront ne pas être conscientes de ce qu’elles ont subi, certaines risqueront ne pas le révéler par honte, d’autres encore feront des déclarations fantaisistes. Ces problèmes sont néanmoins assez marginaux et les enquêtes de victimation sont reconnues par la plupart des criminologues comme un des instruments de mesure les plus fiables de la délinquance.

Ces enquêtes permettent ainsi d’avoir une vision assez claire de certains délits et parmi ceux-ci, les vols quels que soient leur type (cambriolages, vols avec violence, vols de voiture, etc.). Celles qui sont menées aujourd’hui en France n’étudient par contre pas, ou presque, les escroqueries. On peut s’en étonner puisqu’une escroquerie est un préjudice d’à peu près même nature pour les victimes : c’est ce qu’on pourrait appeler « un vol par la ruse ». Plus intéressant encore : il semble que les milieux criminels utilisent de manière assez indifférente l’une ou l’autre stratégie (le vol ou l’arnaque) selon leurs compétences et le rapport bénéfices/risques qu’ils perçoivent pour l’une ou l’autre.

Nous avons donc décidé de nous intéresser à cet ensemble de faits et de voir comment ils semblaient évoluer dans le temps. Nous avons aussi et surtout tenté de percevoir ce qu’y représentait la cybercriminalité malgré les très grandes lacunes statistiques qu’on y trouve.

Les données de notre étude : les anglais à la rescousse

Les données que nous avons utilisées proviennent principalement de l’enquête de victimation 2016 « Cadre de vie et sécurité » publiée par l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales (ONDRP), l’INSEE et le Service Statistique Ministériel de la Sécurité Intérieure. Mais du fait d’absence de données sur les escroqueries et de données spécifiques à la cybercriminalité (à l’exception notable des prélèvements bancaires frauduleux), nous la complétons par des extrapolations basées sur la « Crime Survey for England and Wales » de l’Office for National Statistics britannique. Ces extrapolations font que nos chiffres sont forcément plus imprécis que le serait une véritable enquête de victimation sur le phénomène en France : ils donnent néanmoins malgré tout une bonne idée des ordres de grandeur des vols et des escroqueries en France et de la place grandissante prise par la cybercriminalité.

Les courbes ci-dessous regroupent les données suivantes :
– d’une part, les vols (quel que soit la méthode ou l’objet du vol) et les escroqueries réussis sur des particuliers opérés sans usage d’internet d’une part. Nous les appellerons « vols IRL » (« In Real Life » = « dans la vraie vie »).
– d’autre part, les escroqueries réussies envers des particuliers ayant fait intervenir de manière significative Internet (prélèvements bancaires frauduleux, virus ou vol d’information en ligne ayant entraîné une perte financière, arnaques en ligne en tout genre). Nous les appellerons « cyber-vols ».

En terme de volume, cela a de quoi donner le vertige : il y a plus d’1,3 millions de « cyber-vols » par an en France, soit 3744 chaque jour ! Et encore… nous n’intégrons pas les actes ciblant les entreprises dans ce décompte !

Selon nos hypothèses, la répartition entre « IRL » et « Cyber » se ferait de la manière suivante.

La cybercriminalité, première cause de vol en 2025 ?

La cybercriminalité semble déjà peser environ un tiers des vols et escroqueries en 2015, mais la tendance est forte : la croissance observée laisse penser que dans moins de 10 ans, les délinquants privilégieront les escroqueries en ligne aux vols et escroqueries classiques. Même si ce diagnostic n’a, à notre connaissance, jamais été posé de manière aussi claire que dans cet article, les autorités sont pleinement conscientes qu’une évolution majeure est en cours.

On peut lire ainsi dans le rapport de l’ONDPR 2016 :

« L’Observatoire considère que les baisses régulières, et de grande ampleur sur le moyen terme, mesurées pour les vols peuvent être rapprochées des fortes hausses qui, elles, interviennent en matière d’atteintes dématérialisées au patrimoine, comme pour les retraits frauduleux sur compte bancaire. La délinquance est un phénomène qui évolue sans cesse, suivant en cela les mutations la société. L’automobile est de moins en moins souvent l’objet par lequel le patrimoine des ménages est atteint. Désormais, ce dernier est davantage exposé à des actes de cybercriminalité qui sont en pleine croissance. »

Dans sont rapport 2015 l’ONDRP écrivait déjà :

« De fait, des groupes criminels spécialisés dans le trafic de stupéfiants, le trafic de véhicules ou la prostitution se sont peu à peu orientés vers la cybercriminalité, particulièrement rémunératrice et présentant des risques moindres sur le plan pénal. »

Cela pose naturellement de nombreuses questions. Au delà des extrapolations faites sur les statistiques anglaises, quel est l’état précis des escroqueries et de la cybercriminalité en France ? Notre arsenal policier et juridique est-il adapté et en mesure de lutter contre un phénomène de cette ampleur ? Nous nous sommes intéressés aux escroqueries, mais qu’en est-il des autres actes délictueux parfois graves qui basculent pour une part sur les darknets (trafic de drogue, armes, terrorisme, proxénétisme…) ?

Un rapport assez remarquable sur l’état de la cybercriminalité en France publié en 2014 fait un inventaire de mesures à mettre œuvre afin de mieux prendre en compte ce type de délinquance et de mieux l’affronter… ses préconisations ont-elles été suivies ?

Nous avons nos propres idées sur ces questions, mais c’est là un sujet qui demanderait un article à lui tout seul… et sur lequel nous reviendrons très bientôt.

12 réponses

  1. Chambre dit :

    je viens de subir une arnaque téléphonique concernant le n° 118500 – des appels, non édités pour une somme énorme ! je suis en train de prendre contact avec les services téléphoniques..
    il parait qu’à ce jour cela devient de plus en plus fréquent – comment agir au plus vite pour stopper ces arnaques ? merci

  2. tisset dit :

    Bonjour, j ai mis en vente un article sur LBC et un personnage d’afrique du sud m a fait des promesses allèchantes et m’a donné un numero de telephone ! que puis je faire pour qu il cesse ? Merci

  3. COLLET dit :

    Trés instructif pour les acheteurs par internet. Bravo.Sensibilise encore plus aux aenaques auquelles nous sommes confrontées.

  4. Cavaleiro dit :

    J’ai été victime d’une arnaque au prêt sur Internet. Il y en a de plus en plus !

  5. J’ai été victime d’une arnaque en voulant vendre un iPhone sur le site du bon coin ,en effet une femme étant intéressé à pris contact en m’envoyant un mail ,et ensuite m’a envoyé un document de la poste avec le montant du dit tel ,il fallait d’abord tel a un monsieur qui bizarrement demeurait en Côte d’Ivoire pour pouvoir toucher cet argent ,une photocopie de la carte d’identité de la jeune femme était en pièce jointe ,après recherche de ma part sur Facebook il c’est avéré que cette carte d’identité était une carte volé depuis 3 ans a une jeune femme que j’ai contacté et qui habite au Canet, donc il y a usurpation d’identité ,mais qui se cache derrière ses arnaques !!

  6. JOUVE dit :

    Voilà un article particulièrement alarmiste et pour autant pas très crédible. Je prends pour seul exemple vos explications concernant la fraude à la carte bancaire.
    Vous écrivez « On sait par exemple au sujet des escroqueries bancaires, seules 40 % des personnes qui se sont rendues compte d’un prélèvement frauduleux décident de porter plainte… et que parmi celles-ci, 30 % ne voient finalement pas leur plainte enregistrée ! »
    D’où viennent ces chiffres ? La véracité des chiffres est directement liée à la qualité des sources (quelles sont vos sources ? Quelle est leur crédibilité ?). Pour se faire rembourser en cas de fraude à la carte bancaire, le dépôt de plainte n’est pas obligatoire (voir l’article L. 133-17 et suivants du Code monétaire et financier) mais systématiquement demandé pour les banques ce qui fait que l’on est très très loin des 40% que vous annoncez.
    Vous écrivez également « C’est là une pratique policière répandue et parfaitement illégale (ils ne peuvent vous refuser d’enregistrer une plainte) : bien des policiers et des gendarmes mettent en œuvre toute une série de stratagèmes pour ne pas enregistrer une plainte. On vous dit par exemple qu’il n’y a pas matière à déposer plainte, que ça ne sert à rien, ou on vous fait enregistrer une simple main courante. »
    Mais quelle est la différence entre un dépôt de plainte et une main courante ? Tout simplement dans le dernier cas, on ne transmet l’information aux tribunaux pour ne pas encombrer le système judiciaire. Par contre, la main courante est traitée à des fins statistiques que l’on retrouve dans les chiffres de l’OSCP (banque de France) publiés chaque année.

    • Signal Arnaques dit :

      « D’où viennent ces chiffres ? »
      => Page 88 du rapport d’enquête 2016 « Cadre de vie et sécurité » publiée par l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales (ONDRP), l’INSEE et le Service Statistique Ministériel de la Sécurité Intérieure

      « mais systématiquement demandé pour les banques ce qui fait que l’on est très très loin des 40% que vous annoncez »
      => cela a changé depuis 2014 : les banques ne demandent plus systématiquement de plaintes pour rembourser. En effet, suite à une circulaire du ministère en 2013, les victimes s’étaient retrouvées prisonnières d’un ping pong entre autorités et banques qui se renvoyaient la balle.

      Pour ce qui est de la différence entre dépôt de plainte et main courante, la différence est peu plus importante que vous ne le sous-entendez, mais ce n’est pas le sujet. Nous insistions ici sur les problèmes des chiffres de la délinquance du ministère de l’intérieur (pas ceux de l’OSCP) qui ne prennent en compte que les plaintes.

  7. Jean dit :

    Après que mon numero de CB ai été volé suite a un abonnement sur le site keep2share ,la police a refusé d’enregistrer ma plainte et je n’ai pu faire qu’une simple main courante (qui m’a cependant permis d’etre remboursé par ma banque). Lamentable qu’ils utilisent ce type de procédé pour faire baisser les statistiques!!!

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